28 janvier :
Un délicieux conteur
C’est un 28 janvier que disparaissait notre cher ami le délicieux conteur Robert Burnand.
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Que nous aimions, Clio et moi, aller lui rendre visite, à deux pas du Luxembourg, où il égrenait ses souvenirs (souvenirs qui étaient déjà « de l’Histoire »). Il avait été fonctionnaire dans je ne sais plus quel ministère et nous parlait de ce temps « préhistorique » (il se servait de ce mot) avec une douce ironie.
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— J’avais alors une bien belle écriture… et cela valait mieux que d’être compétent.
— Les machines à écrire n’existaient pas ? avait demandé Clio.
— Si elles existaient depuis 1866. Cette année-là, d’ailleurs, M. de Goncourt se rendit signer un traité chez un éditeur américain de l’avenue de l’Opéra. « L’acte, racontera-t-il, a été imprimé sur un petit piano. »
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— Et au ministère ? avait repris Clio.
— L’apparition d’un « petit piano » avec une jolie demoiselle comme vous, Clio, pour taper dessus, aurait pris l’allure d’un scandale aux yeux de l’inspecteur du matériel. Pensez qu’un jour ce haut et digne personnage entra dans mon bureau. La première impression lui parut excellente. J’employai la poudre à sécher, l’encre réservée à mon grade. Mais, soudain, il se baissa et se redressa suffoqué : « Monsieur, cria-t-il, les yeux injectés de sang, Monsieur, je crois, Dieu me pardonne, que vous avez un paillasson de sous-chef… Je suis décidé à ne pas tolérer de pareilles infractions au règlement. »
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— Et on vous l’a enlevé ?
— Pour me mettre à la place un mince tapisson, seul confort à quoi pût prétendre l’humilité de ma fonction.
Que d’ombres défilaient dans le petit bureau de la rue Gay-Lussac ! Un jour, Robert Burnand évoqua pour nous l’histoire de cet ami (il l’a contée dans un de ses livres) qui était doué d’une calvitie totale « astiquée comme un pavement de marbre ». La scène se passait à la fin du siècle dernier, en cette époque où sévissaient les dîners de têtes.
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— Un jour, il eut l’idée, pour une soirée de têtes, de se faire peindre sur le crâne, en vives couleurs, une face épanouie de bébé rieur. La fête fut gaie et se prolongea jusqu’au petit jour. Mon camarade ne sut jamais très exactement comment il était rentré chez lui. Vers midi, le sentiment obscur du devoir le jeta au bas de son lit. Sans perdre de temps à sa toilette, il courut au plus proche sapin et se fit conduire à la Madeleine, pressé d’arriver avant la fin d’obsèques solennelles où il était indispensable qu’il parût. Le lugubre défilé s’achevait quand mon ami pénétra dans le saint lieu. Sa soudaine apparition mit un peu de gaieté dans une cérémonie qui en manquait totalement et la famille affligée elle-même réprima, sous ses crêpes, une espèce de sourire quand il inclina devant son crâne sur lequel, de toutes ses dents, un petit enfant riait aux éclats.
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A suivre...
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